Les origines de l’entraide universitaire française

L’action de l’EUF s’inscrit dans la continuité d’une longue histoire, qui a traversé tout le XXe siècle et mobilisé nombre d’universitaires et des responsables de mouvements étudiants autour d’au moins deux idées – voire idéaux – dont nos archives portent la trace : (1) les intellectuels ont une responsabilité vis-à-vis de la société, (2) l’université doit être un lieu où « la recherche sincère et désintéressée de la vérité » (charte de l’Entraide de 1945) conduit à la fraternité et à la solidarité internationale. Ainsi, dès la fin de la Première Guerre mondiale, un premier Comité français de l’Entraide universitaire internationale s’est constitué sur une base interconfessionnelle pour accueillir des réfugiés russes.

Mais c’est en 1933, avec l’afflux des réfugiés venus d’Allemagne, qu’est vraiment née l’EUF, dont les premiers animateurs furent des intellectuels très engagés dans le rayonnement international de la culture française : Paul Mantoux, historien déjà célèbre, venait de créer l’Institut des Hautes Études internationales de Genève ; Jean Thomas devenait en 1946 directeur général adjoint de l’Unesco naissante ; Jacques de Bourbon Busset, jeune normalien, s’apprêtait à suivre la tradition française du diplomate écrivain, etc. Tous se voulaient solidaires des intellectuels réfugiés, parmi lesquels, par exemple, l’écrivain et philosophe allemand Walter Benjamin, qui ne put échapper à une mort tragique pendant la guerre.

À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, l’EUF élargit son assise, en institutionnalisant la représentation des organisations étudiantes (dont l’UNEF, puis la MNEF), en organisant l’équilibre des grandes sensibilités religieuses de l’époque (protestante, catholique, juive), et en diversifiant encore les profils de ses universitaires et intellectuels : on y remarque par exemple la présence de René Courtin (professeur d’économie et cofondateur du journal Le Monde avec Hubert Beuve-Mery), Pierre Aimé Touchard (futur administrateur de la Comédie française) et André Magnier (futur doyen de l’inspection générale des mathématiques)…

Cet élargissement permit de faire face aux grands flux de réfugiés de l’Après-guerre et de la charnière des années 1940-1950 (plus de 600 boursiers en 1950-51), mais aussi d’offrir des prestations de santé à des étudiants sortis éprouvés du conflit, à une époque où le système actuel de protection sociale étudiante n’existait pas encore1. Par la suite, la présence des mouvements étudiants s’est étiolée, au fur et à mesure que leur importance déclinait dans un champ universitaire devenu plus éclaté. Il en fut de même pour la référence aux sensibilités religieuses. Mais la mobilisation des universitaires est restée intacte et nos activités n’ont cessé de progresser, en s’appuyant notamment sur le réseau des CROUS (Centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires) : au total, depuis 1944, l’EUF a accordé près de 16 000 bourses à des étudiants venant de plus de 120 pays (initialement surtout de l’Est, puis d’Asie du Sud-Est et d’Amérique latine, plus récemment d’Afrique et d’Asie occidentale).